Le WWOOFING

-  Par Sophie Gagné et Maude Gagnon  -

Seul nous ne pouvons pas faire de réels changements, pourtant nous sommes des millions à partager les mêmes valeurs...


La région de Chaudière-Appalaches est bien connue pour ses entreprises agricoles. D'ailleurs de plus en plus de producteurs se tournent vers la culture  biologique pour contrer la concurrence du marché mondial et la production massive, lesquels ont des effets néfastes sur l'environnement. Depuis quelques années, il y a un virage d'agriculture durable, prônant  des valeurs du respect de l'environnement, du respect des animaux et du souci de consommer localement tout en s'alimentant bien! En fait, la région de Chaudière-Appalaches est la deuxième plus importante au Québec dans le domaine bioalimentaire. Le secteur agroalimentaire est notre fierté collective!

 

Par souci de suivre les valeurs du développement durable, certains agriculteurs choisissent de se démarquer en contribuant à maintenir un équilibre entre l' aspect social, économique et environnemental de leur entreprise. Le Wwoofing est un concept qui permet d'être un  artisan du changement dans sa région tout en considérant ces trois aspects. Mais d'abord voyons ce qu'est le Wwoofing?


Contexte Historique

Sue Coppard

 

Wwoof  ou le woofing (de l'anglais"World-Wide Opportunities on Organic Farms") est d'abord et avant tout un réseau d'aide mutuelle entre des personnes de différents pays voulant faire des échanges  culturels par le biais d'échanges de services.

 

Le wwoofing à été fondé au Royaume-Uni en 1971 par Sue Coppard, une femme qui vivait à Londres. La première ferme qui offrait le wwoofing dans le monde était une ferme bio-dynamique située à Sussex.

 

Sue Coppard a eu le soucis de vouloir faire les choses différemment dans sa communauté. Malgré elle, elle était une artisane du changement. Individuellement, elle aspirait à prendre contact avec la nature, mais elle voulait en faire plus afin que sa communauté puisse en bénéficier. Ses objectifs étaient de favoriser les échanges entre les gens des villes et de la campagne, et de soutenir l'agriculture biologique. En présentant son projet à d'autres citadins et agriculteurs, elle s'était vite  rendu compte que d'autres personnes aspiraient aux mêmes valeurs qu'elle.

 

 Par une annonce dans le journal, elle avait contacté des agriculteurs de ferme bio qui lui montraient de l'intérêt à recevoir des citadins dans leur gîte (pour être logés et nourris ) en échange de leurs connaissances, leurs savoir-faire et leur quotidien.

 

Au départ, le mouvement a commencé par des weekends d'essais, puis au fil du temps, les gens restaient plusieurs semaines. Plusieurs unions, projets et partages de connaissances se sont créés grâce au Wwoofing. Leurs forces individuelles devinrent  leurs forces collectives!


De nos jours le mouvement est international dans plus de 100 pays dans le monde. La mondialisation n'a pas que des effets pervers, l'ère de la technologie et de l'Internet permet à des gens de partout dans le monde, qui souhaite se rapprocher de la nature, de faire un échange culturel et de découvrir de nouvelles connaissance sur l'agriculture bio.

 

Les gens reçoivent habituellement des touristes étrangers dans un objectif d'apprendre d'une autre culture tout en voyageant. Pour ces agriculteurs qui peuvent moins voyager, c'est une belle façon de se  dépayser et de partager leur mode de vie !

(photo carte du monde avec le wwoofing)

 

Des agriculteurs biologiques de partout dans le monde hébergent et nourrissent des voyageurs qui ont de l'intérêt à venir travailler sur leur ferme. Le mode de paiement est le troc, donc il n'y a aucun échange d'argent. Cela permet à des entrepreneurs et touristes de consommer différemment, et de pallier au système capitaliste actuel, basé sur la propriété privée dont les moyens de production sont structurés dans le but de faire des profits.

 

Au Canada, le mouvement a été implanté en 1985. Au Québec le réseau couvre plusieurs territoires, dont celui de Chaudière-Appalaches, où il y a 10 hôtes dans la région.



Le Wwoofing un mouvement social

Les créatifs culturels sont des personnes qui, individuellement, portent des valeurs communes. Ils se rassemblent dans des évènements, communiquent leurs idées créatives via les réseaux sociaux et  réfléchissent collectivement afin de créer des alternatives aux enjeux de société de manière  pacifique.


Déroulement du Wwoofing 

Les entrepreneurs agricoles qui souhaitent devenir un hôte, indiquent leurs coordonnées au Wwoof Canada. Les informations sont alors collectées et publiées dans un carnet d'adresses (50$ pour être affiché un an sur la liste des fermes qui accueillent ces volontaires). Les fermes peuvent être sans but lucratif ou commercial, mais toujours biologique. Les volontaires intéressés paient une faible cotisation annuelle ( 55$ pour deux ans) pour recevoir une copie de ce carnet et une carte de membre. Ils peuvent alors contacter les fermiers directement pour s'arranger sur la durée du séjour et les formalités. La durée de séjour dans une ferme peut varier de quelques jours à plusieurs mois ou plus rarement quelques années.


Les volontaires du WWOOF ne reçoivent aucune forme de paiement ni d'aide financière. Les hôtes doivent donner des occasions d'apprendre, de partager en échange d'une assistance dans toute activité et discipline agricole. Ils doivent aussi offrir la nourriture et l'hébergement. Les volontaires proviennent de différents milieux: des étudiants, des couples, des familles, mais tous sont  des personnes intéressées par l'agriculture biologique. Différentes techniques sont apprises tout au long du séjour  : agroécologie, permaculture, agroforesterie, pastoralisme, attelage, débardage, cueillette ou le jardinage bio pour eux-mêmes.


Le rôle des organisations WWOOF est de mettre en contact les voyageurs avec des hôtes. Elles maintiennent un rôle de superviseur et sont capables de jouer les médiateurs s'il arrivait le moindre problème. Les hôtes s'engagent à offrir un accueil chaleureux et amical, et à partager leur expérience et leurs connaissances dans des méthodes d'agriculture ou d'élevage biologique.


La ferme la Rafale

Diane Ostiguy est la propriétaire de la ferme La Rafale située à St-Raphaël en Chaudière-Appalaches.


La ferme la Rafale est une terre entre les Appalaches et le fleuve qui a été fouettée par le vent. Elle doit son nom au chien husky de la propriétaire, Diane Ostiguy, car c’est sa passion pour les chien de traîneau qui l’a conduite à s’établir sur cette terre avec sa meute.  La Rafale est un terrain de 47 hectares habité par une faune riche et diversifiée. On y retrouve une érablière qui abrite des cerfs de Virginie, des pékans, des lièvres et des oiseaux, dont la chouette royale, le grand pic, la gélinotte huppée. Il y a aussi des arbustes fruitiers tels que des pommiers, des amélanchiers, des aubépines et des noisetiers.

 

La ferme La Rafale fonctionne dans le plus grand respect de la nature et accueille plusieurs animaux. Il y a un élevage de lapins en pâturage. Ils ont accès à des enclos mobiles qui leur permettent de brouter de l’herbe fraiche et les arbustes qui veulent reprendre leur place! Ils se nourrissent aussi de pommes cueillies sur place, des fines herbes et des légumes du potager, lequel est toujours en expansion pour nourrir tout le monde. Outre les lapins, il y a des dindes, des poulets et des poules pondeuses. Il y a aussi un Dexter, une race rustique de bovins irlandais, qui broute et donne du lait.

 

« La Rafale, c’est mon milieu de vie, celui que je partage également avec les humains. C’est un espace ouvert aux autres qui viennent ici me donner un coup de main. Ce sont les wwoofers qui chambrent dans la grande maison où résonnent leurs rires, un lieu d’échanges et d’espoir en l’humanité. Des moments de travail en équipes, de la sueur, des travaux pour réparer la porte de l’étable, faire de la clôture, mais aussi des feux de camp, des jeux et surtout de la complicité, des liens qui se tissent et qui durent, une famille qui se crée autour d’une façon de vivre de l’agriculture ».  

 

« Cette terre sera un garde-manger pour la communauté, et plus encore» (Ostiguy, 2015)


Moyens 

Le Wwoofing est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (développement durable)

Le Wwoofing concilie le progrès économique et social sans mettre en péril l’équilibre naturel de la planète. C'est donc un concept qui ne se limite pas à une prise de conscience écologique, mais vise à instaurer un meilleur équilibre entre la dimension économique, sociale et environnementale du développement

       La dimension économique, c’est notre capacité à créer des richesses et à améliorer nos conditions de vie matérielle

       La dimension sociale, c’est notre besoin de santé, d’éducation, d’habitat, d’emploi, d’équité intra et intergénérationnelle ainsi que la prévention de l’exclusion sociale.

       La dimension écologique, c’est la nécessité de l’environnement, la diversité des espèces et les ressources naturelles et énergétiques afin d’en bénéficier le plus longtemps possible.


Les résultats 

Durant leur séjour, les wwoofers accumulent des connaissances sur l'agriculture et sur l'entretien d'une ferme. Les activités sont très variées, mais l'important est de leur faire découvrir des techniques qu'ils ignorent! Plusieurs wwoofers visitent plusieurs fermes durant leur voyage, et cela leur permet non seulement de diversifier leurs connaissances, mais aussi d'en apprendre aux familles d'accueil. En effet, c'est l'occasion parfaite pour les fermiers de voyager à travers leurs visiteurs et de connaitre de nouvelles techniques.

 

Certains wwoofers ont utilisé leur voyage en wwoofing afin de faire des blogues, des ouvrages, des activités, des montages photos et plus encore! Certains décident de démarrer leur entreprise agricole après leur expérience Wwoofing et deviennent des hôtes à leur tour.

 

Voici quelques exemples de résultats finaux de quelques wwoofers.

- Un livre sur l'expérience wwoofing écrit pas des Wwoofers hébergés chez Diane.

Une famille et des liens pour très longtemps !

un sentiment d'appartenance!


Le faconnement 

Lors de notre journée à la ferme la Rafale, nous nous sommes  arrêtées par erreur  à une autre fermette qui portait la même adresse que celle de Diane...Fait cocasse! Ces gentilles personnes nous ont accueillies dans leur demeure et elles nous expliquaient que cet heureux hasard était déjà arrivé à quelques reprises... Nous avons eu l'occasion de parler quelque peu du Wwoofing dans la région de St-Raphael ...Puisqu'il connaissait le WWoofing!

 

D'ailleurs, les voisins de Diane nous ont dit rencontrer différents touristes à St-Raphael, ce qui contribue à des échanges multiculturels. Ce n'est pas donné à tout le monde de voyager à l'international en étant propriétaire d'une ferme, le Wwoofing permet de s'ouvrir sur le monde.


Diane, notre hôte, nous a expliqué qu'il y a une autre famille à St-Raphael qui accueille des Wwooffers. C'est donc dire que le concept permet à la région un développement économique, puisque les touristes achètent localement tels que des souvenirs locaux, des produits du terroirs, des cigarettes; nous dit-elle en riant... Diane leur fait explorer les sites enchanteurs comme le petit ruisseau ainsi que des sites agrotouristiques de la région tels que les fromageries, les microbrasseries et cabanes à sucre. Diane nous avoue que ça lui permet elle même de découvrir sa région.

 

De plus, la population locale de St-Raphael est conscientisée à ce concept du Wwoofing qui contribue, par des actions plus responsables, écologiques et humaines, au mouvement des artisans du changement. Un des nouveaux mouvements sociaux qui contribue à transformer la société québécoise par des actions individuelles ou collectives en revendiquant des valeurs communes.

 

 Valeurs des artisans du changement (créatifs culturels)

 

L'ouverture aux valeurs féminines( la place des femmes dans la sphère publique, la préoccupation au sujet des violences faites aux femmes

 

L'intégration des valeurs écologiques et des médecines douces (développement durable, intégration de l'alimentation bio et des méthodes naturelles de santés)

 

L'implication sociétale (implication individuelle et solidaire dans la société)

 

Le développement personnel (pouvant inclure une dimension spirituelle, introspective)

 

Être plutôt que paraître (être cohérent entre ses valeurs et ses pratiques)

 

L'ouverture multiculturelle (ouverture à l'autre peut importe la différence)


 

Par ses projets à la ferme la Rafale dans lesquels participent les Wwoofers, Diane contribue à redonner socialement, économiquement et écologiquement à la région de St-Raphael. D'abord par son entreprise agricole, elle veut produire en petites quantités, car elle a un souci d'offrir des produits de qualité à bon marché. De plus, ses arbres fruitiers permettront à la communauté de faire de l'auto-cueillette biologique. D'ailleurs, elle aimerait qu'une partie des récoltes puisse être redistribuée aux personnes dans le besoin. Toujours dans un souci environnemental, elle veut reproduire un écosystème. Par ce projet, les plantes, les animaux et la terre seront en interrelation pour se développer.

 


Témoignages de l'expérience Wwoofing 

Témoignage "Une journée à la ferme"

Le cahier des commentaires   - Ferme la Rafale -


Bibliographie

Article de journal


Buzzeti, H., Schields, A. (2014, 23 septembre). Le Canada est un "leader" argue Ottawa. Le Devoir. Repéré à www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-le-climat-le-canada-est-deja-un-leader-argue-ottawa


Document en ligne


Agriculture, pêcherie et alimentation gouvernement du Québec. (s.d.) Accueil, consommateur, Pourquoi manger bio? Repéré à www.lequebecbio.com


Bunn, Robyn. (2015, 12 janvier). Weedingthrough the WWOOF network: the social economy of volunteertourism on organicfarms in the OkanganValley. Repéré à http://circle.ubc.ca/handle/2429/51888?show=full


Gembloux. (2015).Le bien être et l'éthique au coeur de la relation homme-animal, (s.d.) Repéré à www.gembloux.ulg.ac.be


Institut national de santé Public, gouvernement du Québec. (2009, mai). La ferme porcine et son impact sur la qualité de vie des populations en milieu rural. Repéré à www.inspq.qc.ca


Jeanne'sexperiment. (2014, 1 septembre). Wwoofing à Gaspésie Sauvage, une ferme de champignons au Québec. Repéré à http://jeanne-au-canada.over-blog.com/article-wwoofing-a-gaspesie-sauvage-une-ferme-de-champignons-au-quebec-56353591.html


Koshik, E. (2013). Nourishingourselves and helping the planet: WWOOF, environmentalism and ecotopia: Alternative social practices betweenideal and reality. Repéré à http://researcharchive.vuw.ac.nz/handle/10063/3031


OCDE. (2008, 28 avril). Environnement et mondialisation: document d'information pour les ministres. Repéré à www.ocde.org


Routard.(2015). Wwoofing comment ça marche? Repéré à www.routard.com


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WWOOF. (2000). Repéré à www.wwoofinternational.com